L’album Kwi Bamba & l’Orchestre de Gama Berema est la septième production du label Ouch ! Records ouvre une fenêtre sur un monde musical fort méconnu : les orchestres fédéraux de Guinée Conakry institués après l’indépendance du pays par le président Sékou Touré…
A la fois document historique et pépite musicale, l’album a été enregistré sur le terrain, à Gama Berama, frontière ivoirienne, en 1999. Derrière le micro ECM-MS 907 Sony connecté à un enregistreur minidisc Sharp MD-MT 20 : Frédéric Migeon, directeur artistique jazz et musiques du monde au sein du
label français Cristal Records.
La sortie de cet album sur Ouch ! Records est son idée.
Cet album est la 3e collaboration des labels Ouch ! Records et Cristal Records.
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Un peu d’histoire
Sékou Touré, premier président de Guinée Conakry a, dès son accession au pouvoir en 1958, misé sur la promotion de la culture nationale. Notamment il a développé la création d’orchestres fédéraux composés de musiciens ayant le statut de fonctionnaires… Ces orchestres – dont le plus connu, Bembeya Jazz, orchestre de Beyla, le Nimba Jazz de N’Zérékoré, le Kaloum Star de Conakry ou bien encore les Amazones de Guinée composé exclusivement de femmes gendarmes -ont puisé leur inspiration dans la musique traditionnelle mandingue, soussou, et des autres ethnies vivant en Guinée, mais avec une instrumentation moderne intégrant guitares et basses électriques, batterie, percussions et une section cuivres. Leurs productions musicales étaient fixées sur le label Syliphone, régie d’état créée en 1967, qui a sorti 150 références jusqu’à sa disparition en 1983.
Kwi Bamba
Kwi Bamba fut le saxophoniste du Nimba jazz de N’Zérékoré et apparait sur l’album « Gon bia bia », le LP du Nimba édité en 1980. Le Nimba Jazz avait l’originalité d’utiliser les rythmes et les chants si particuliers des ethnies animistes de la région de Guinée Forestière, notamment l’ethnie guerzé (ou Kpellé). Le groupe se dissoudra par la suite, mais Kwi Bamba arrivera à motiver de jeunes musiciens afin de maintenir le groupe en vie…. Quand Frédéric Migeon rencontre Kwi Bamba, en 1997, l’époque bénie de la musique comme outil de propagande du régime du président Sékou Touré était révolue ; et Kwi, simplement pour pouvoir jouer de la musique journellement faisait partie de la fanfare militaire de N’Zérékoré. La fanfare lui permettait également de bénéficier du prêt d’un instrument, en revanche les anches ne lui étaient pas fournies et il devait les fabriquer lui-même (et donc souffler très, très fort)…
L’enregistrement
Frédéric Migeon explique : “Un jour, Kwi, avec qui j’avais déjà enregistré des morceaux du Nimba Jazz reformé avec de jeunes musiciens et chanteurs, me propose d’enregistrer un orchestre dont il avait fait partie et qui souhaite réaliser une cassette audio destinée à la vente et à leur promotion… Rendez-vous est pris et un samedi nous allons avec Kwi, à Gama Berema, chef-lieu de sous-préfecture dans la préfecture de Lola, à la frontière ivoirienne. Pour réaliser un bon enregistrement « studio », sans public, le groupe a réquisitionné une maison en cours de construction ; il s’avère que la pièce est trop exigüe pour contenir le groupe avec les amplis et enceintes, modèles XXL en provenance d’Union Soviétique ; aussi déménagement du matériel devant le bâtiment, présence du public pour assister à l’enregistrement et bruit de fond (enfin malheureusement pas trop au fond !!) du groupe électrogène alimentant le système audio…Après quelques litres de vin de raphia indispensable à tout évènement en Guinée Forestière, enregistrement en une seule prise bien sûr, avec un faux départ, des micros siffleurs, un moteur qui ronronne, et un enregistreur minidisc tout petit qui m’oblige de façon systématique à faire écouter aux musiciens un morceau test pour assurer à mon matériel, ainsi qu’à moi un peu de crédibilité…L’enregistrement est fait, et quelques semaines plus tard circule une cassette audio en Guinée Forestière, dupliquée en Côte d’Ivoire, avec une jaquette où ne figure aucun crédit, mais l’essentiel est avant tout que la musique existe, non ? 2018, les années ont passé, le village de Gama Berema, comme le reste de la région n’a pas été épargné par les maux, entre les enfants soldats libériens et le virus Ebola… « Maître » Kwi était déjà âgé, je caresse l’espoir que lui ou ses descendants puissent écouter cet album…. Je suis heureux que ce moment de musique puisse continuer de vivre…”
Frédéric Migeon
Avant d’être chef de projet et directeur artistique jazz et musiques du monde au sein du label français Cristal Records, Frédéric Migeon a œuvré dans le développement rural en Afrique au sein d’une organisation non gouvernementale. Il a parallèlement mené des actions dans le domaine musical et a été l’un des organisateurs du Festival de jazz de St Louis au Sénégal de 1993 à 1996, puis en poste en Guinée Conakry, là aussi en parallèle de son activité professionnelle, il a enregistré de la musique traditionnelle de la région de Guinée Forestière et accompagné la reformation du Nimba Jazz de N’Zérékoré. C’est à cette occasion qu’il a rencontré et s’est lié d’amitié avec le saxophoniste Kwi Bamba ; en plus du Nimba jazz, Frédéric a pu enregistrer Kwi Bamba avec le trio de Kellen de Tilépoulou, et avec l’orchestre de Gama Berema…