Frédéric Migeon, chef de projet et directeur artistique Jazz et musiques du monde du label français Cristal Records, est à l’origine de l’album 100% Guinée Forestière. Il explique comment se sont déroulées les enregistrements de ces bandes, initialement sorties en cassette.

« En 1998, je résidais en Guinée Forestière pour mon travail. Curieux de musiques, j’achetais sur le marché de N’Zérékoré des cassettes audios de musiques traditionnelles… Malgré leur très mauvaise qualité d’enregistrement et de duplication, j’entendais pourtant des instruments à cordes ou à vents, inconnus pour moi, avec des sons étranges, polyrythmiques, des chants polyphoniques…

Quelle découverte mais quelle frustration de ne pouvoir mieux les écouter ! D’autant plus que la musique pratiquée dans cette région peuplée d’ethnies animistes (Guerzé, Manon, Toma, Kono…) est majoritairement une musique sacrée et liée aux évènements qui ponctuent la vie des villages, il n’est donc pas simple d’y avoir accès, encore moins lorsqu’on est étranger… Poussé par ma curiosité, je fis connaissance, puis me liai d’amitié avec l’un des vendeurs de cassettes et de matériel audio du marché de N’Zérékoré. Marcel Haba, exploitant de Nimba Electronique, m’invita ainsi à écouter chez lui l’un des derniers conteurs traditionnels guerzé : Zézé Wolo.

De fil en aiguille (mais aussi de vin de raphia en vin de raphia), germa l’idée de produire ensemble ces musiques traditionnelles forestières si particulières sur un support audio de qualité. Ainsi, pendant plusieurs semaines, Marcel contacta les autorités traditionnelles et en 1999, nous parcourûmes des centaines de kilomètres de pistes souvent difficiles pour accéder à des villages et enregistrer différents groupes, différents instruments…

Après avoir fait une sélection de titres représentatifs et élaboré une jaquette, nous avons fait fabriquer une cassette en Côte d’Ivoire. Marcel Haba fut le distributeur exclusif sur le marché de N’Zérékoré de la première cassette audio industrielle de musique forestière et ce pour la plus grande fierté des populations forestières souvent marginalisées vis-à-vis des autres ethnies de Guinée Conakry…

Cette musique traditionnelle, pourtant un des fers de lance de la révolution culturelle menée par Sékou Touré en Guinée Conakry, était déjà rare en 1999. La Guinée Conakry s’est ouverte après la mort de son premier président en 1984 et ces musiques traditionnelles ont été fragilisées par les influences externes, tant culturelles que religieuses. Le conteur et joueur de Gwènin, Zézé Wolo, est décédé en 2001, Siba Pogba, a priori le seul joueur de la région de cet étonnant ancêtre (?) de la kora, qu’est le bèlè gweï a disparu quelques mois après l’enregistrement…
J’espère que l’écoute de ces musiques rares et étonnantes procureront aux auditeurs le même plaisir que jai eu à les découvrir et à les écouter. »


Frédéric Migeon

 

Bio de Frédéric Migeon

Avant d’être chef de projet et directeur artistique Jazz et musiques du monde au sein du label français Cristal Records depuis 2002, Frédéric
Migeon a oeuvré pendant presque 20 ans dans le développement rural en Afrique (grand spécialiste du compostage notamment !) au sein d’une organisation non gouvernementale.

Il a parallèlement mené des actions dans le domaine musical et a été l’un des organisateurs du Festival de jazz de St Louis au Sénégal de 1993 à 1996. A partir de 1997, en poste en Guinée Conakry, il a accompagné la reformation du Nimba Jazz de N’Zérékoré, enregistré l’album Kwi Bamba & l’orchestre de Gama Beremaainsi que de la musique traditionnelle de la région deGuinée Forestière qui a fait l’objet de cet album “100% Guinée Forestière”.

 

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